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Niveau relatif de la mer à Rimouski jusqu’à 2150 selon le sixième rapport du GIEC

2023-01-22. Les changements projetés jusqu’à 2150 du niveau relatif de la mer dans le sixième rapport d’évaluation (RÉ6) du GIEC peuvent être visualisés et téléchargés de façon conviviale. Je présente ces projections pour Rimouski (Québec, Canada). 

Cet outil de la NASA permet de télécharger les projections consensuelles du GIEC de changement du niveau relatif de la mer sur une grille régulière de 1° de latitude par 1° de longitude ainsi qu’à 1030 stations de marégraphes du Service permanent pour le niveau moyen de la mer (Permanent Service for Mean Sea Level, PSMSL). 

Mouvement vertical de la croûte terrestre

Le mot « relatif » dans l’expression « changement du niveau relatif de la mer » indique que nous nous intéressons au mouvement vertical de la mer relativement à la terre avoisinante qui peut elle-même monter ou descendre. À Rimouski la terre monte à un rythme d’environ 2 mm/année en raison du rebondissement post-glaciaire de la croûte terrestre, de sorte qu’une hausse locale du niveau absolu de la mer de 5 mm/année se traduirait par une hausse du niveau relatif de la mer de 3 mm/année.

Selon l’estimation du GIEC, le mouvement vertical de la croûte terrestre à Rimouski serait de +1,9 mm/année, avec un intervalle de confiance à 90% situé entre +1,6 et +2,2 mm/année. Cet intervalle chevauche l’estimation indépendante du mouvement vertical de la croûte terrestre à Rimouski par Ressources Naturelles Canada (Robin et al. 2020) de +2,1 mm/année, avec un intervalle de confiance de 90% entre +1,7 et +2,5 mm/année.

Projections médianes (50e centile)

Le graphique ici-bas montre la médiane (50e centile) des projections de hausse du niveau relatif de la mer au port de Rimouski pour cinq scénarios illustratifs qui couvrent l’éventail des évolutions futures possibles des facteurs anthropiques du changement climatique disponibles dans la littérature scientifique. Ces cinq scénarios comportent des niveaux d’émissions de gaz à effet de serre (GES) qui sont respectivement très élevées (SSP5-8.5), élevées (SSP3-7.0), intermédiaires (SSP2-4.5), basses (SSP1-2.6) et très basses (SSP1-1.9). Les engagements internationaux de réduction d’émissions de GES pris à Paris en 2015 puis à Glasgow en 2021 s’apparentent davantage au scénario SSP2-4.5.

En 2050, les cinq scénarios projettent des hausses du niveau relatif de la mer à Rimouski entre 18 et 23 cm. En 2100, les écarts de hausse du niveau relatif de la mer entre les cinq scénarios sont plus considérables, allant de 25 cm pour SSP1-1.9 à 70 cm pour SSP5-8.5. Enfin les hausses médianes projetées du niveau relatif de la mer à Rimouski en 2150 sont encore plus élevées:

  • 34 cm = 0,34 m pour SSP1-1.9
  • 40 cm = 0,40 m pour SSP1-2.6
  • 72 cm = 0,72 m pour SSP2-4.5
  • 94 cm = 0,94 m pour SSP3-7.0
  • 114 cm = 1,14 m pour SSP5-8.5

Ces projections de hausse du niveau relatif de la mer sont plus basses pour de faibles niveaux d’émissions de GES (SSP1-1.9 et SSP1-2.6). De plus fortes hausses du niveau relatif de la mer surviennent pour des niveaux d’émissions de GES intermédiaires (SSP2-4.5) ou plus élevées (SSP3-7.0 et SSP5-8.5).

Distribution de probabilité

Au-delà des projections médianes présentées ici-haut, il est utile de présenter un aperçu de la variabilité qui existe au sein de l’ensemble de toutes les projections de changement du niveau relatif de la mer qui font partie intégrante du sixième rapport d’évaluation (RÉ6) du GIEC. 

Le schéma suivant montre une courbe de distribution de probabilité de changement du niveau relatif de la mer. Dans ce type de graphique, le niveau de probabilité est proportionnel à l’aire (superficie) sous la courbe. Nous pouvons diviser l’aire sous cette courbe en cent parties égales nommées centiles et nous portons ici une attention spéciale à trois d’entre eux: les 5e, 50e et 95e centiles.  

Il y a 90% de probabilité que la projection de changement se trouve dans la zone en jaune entre les 5e et 95 centiles. Par ailleurs, la probabilité que le changement du niveau relatif de la mer soit inférieur au 5e centile est de 5%. Enfin, la probabilité que le changement du niveau relatif de la mer soit supérieur au 95e centile est également de 5%. La légère asymétrie entre les deux zones colorées en rouge (celle de droite étant plus étirée) reflète les distributions statistiques de projections du GIEC qui sont elles aussi légèrement asymétriques de la même façon.

5e centile des projections

Dans le graphique du 5e centile des projections, les valeurs négatives de changement de niveau relatif de la mer en 2150 pour les scénarios SSP1-1.9 et SSP1-2.6 peuvent paraître surprenantes. Elles indiquent que pour ces deux scénarios, la hausse du niveau absolu de la mer se ferait alors à un rythme moins rapide que la hausse de la croûte terrestre à Rimouski, de sorte que le niveau relatif de la mer baisserait.

95e centile des projections

Le graphique du 95e centile des projections brosse quant à lui un portrait peu réjouissant avec de fortes hausses du niveau relatif de la mer. Or le principe de précaution pour les décisions à long terme pouvant être influencées par les changements du niveau relatif de la mer justifie souvent l’utilisation des valeurs du 95e centile dans le processus de prise de décision. À l’horizon 2100, on projette des hausses du niveau relatif de la mer au 95e centile entre 0,68m et 1,32m. Pour les plans d’infrastructure avec une durée de vie planifiée de plus de 100 ans, les hausses projetées du niveau relatif de la mer en 2150 au 95e centile sont de

  • 1,05 m pour SSP1-1.9
  • 1,16 m pour SSP1-2.6
  • 1,62 m pour SSP2-4.5
  • 1,96 m pour SSP3-7.0
  • 2,33 m pour SSP5-8.5

Scénario catastrophe d’instabilité de falaise de glace marine en Antarctique

Un nombre limité d’études scientifiques révisées par les pairs et prises en compte par le GIEC ont tenté d’examiner la possibilité d’une très forte accélération du taux de fonte de la calotte glaciaire du continent Antarctique via le mécanisme d’instabilité de glace marine. Il s’agit d’un mécanisme encore mal compris et peu étudié, jugé peu probable mais à très fort impact potentiel pour le niveau mondial moyen de la mer. Malgré le faible niveau de confiance des scientifiques du GIEC dans leur compréhension de ce phénomène, ces derniers ne peuvent exclure la possibilité d’une hausse du niveau relatif de la mer à Rimouski pouvant atteindre jusqu’à 5,8m en 2150 et 18m en 2300 (SSP5-8.5, 95e centile).

Autres sites de marégraphe avec projections du GIEC

Outre Rimouski, l’outil interactif de la NASA permet de visualiser les projections de hausse du niveau de mer jusqu’à l’année 2150 pour plusieurs autres stations marégraphiques actuelles ou historiques du Québec, dont :

  1. Baie-Comeau
  2. Sainte-Anne-des-Monts
  3. Harrington Harbour
  4. Sept-Îles
  5. Rivière-au-Renard (Gaspé)

Référence:

Fox-Kemper, B., H.T. Hewitt, C. Xiao, G. Aðalgeirsdóttir, S.S. Drijfhout, T.L. Edwards, N.R. Golledge, M. Hemer, R.E. Kopp, G. Krinner, A. Mix, D. Notz, S. Nowicki, I.S. Nurhati, L. Ruiz, J.-B. Sallée, A.B.A. Slangen, and Y. Yu, 2021: Ocean, Cryosphere and Sea Level Change. In Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, pp. 1211–1362, doi:10.1017/9781009157896.011.

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